THOMASSET Raymond
° Olizy-sur-Chiers (Meuse), 9 V 1923.
- f. de Fernand, maçon, & Louisa Collard.
- Arrivé à Auxerre à l'âge de 17 ans, en mai 1940, parmi des réfugiés lorrains chassés par les Allemands, il devient externe au lycée Jacques-Amyot, où il rejoint aussitôt un groupe de résistance baptisé La jeune garde de l'empire français, fondé par son camarade Jean-Paul Allard. Sont également recrutés d'autres jeunes lycéens rebelles, dont Jean Carré, Jean Escalier, Charles Séguin, Jacques Tissu, ainsi que Bernard Etienne Sautereau.
- Jusqu'en 1942, Raymond Thomasset anime les actes de résistance menés par les jeunes lycéens, qui rédigent des tracts contre l'occupant, déchirent les affiches incitant au respect des forces allemandes, et récupèrent dans les bois et les fossés les armes abandonnées en juin 1940 par les soldats français en déroute. Un stock d'armes disparates est ainsi constitué, dont quelques vieux fusils Lebel de la guerre 1914-1918, le tout étant caché par Jacques Tissu dans une carrière délaissée, à Val-de-Mercy.
- En 1942, Raymond Thomasset entre en contact avec le réseau de Mouvement Résistance, dirigé à Auxerre par le père d'un lycéen de son groupe, le docteur Louis Séguin*. Avec ses amis, il finit par rejoindre ce réseau national, où il crée un service de faux papiers avec Charles Séguin et Jean-Paul Allard. Il y retrouve d'autres jeunes résistants, comme Guy Foucher et Henri Chapotin, ainsi qu'un quasi homonyme de Bernard Etienne Sautereau, appelé quant à lui Bernard Charles Sautereau*. L'action qu'il mène dans le service des faux papiers finit par éveiller les soupçons des Allemands : il échappe de justesse à l'arrestation lors d'une descente de la Gestapo chez ses parents.
- Après le coup de filet d'octobre 1943, qui désorganise tout le réseau, aussi bien à Auxerre qu'à Paris, il entre en 1944 dans l'Organisation National Maquis, qui vient de s'implanter dans l'Yonne (sous les ordres d'Olivier Ancel, dit « le commandant Félicien »). Dans cette structure de combat, que Marcel Choupot* intègre, dès le 9 IV 1944, dans un ensemble cohérent unissant tous les mouvements de résistance icaunais, Raymond Thomasset est désigné pour seconder André Cagnat* au maquis n° 3, que vient rejoindre aussi Jean Escalier, tandis que Bernard Charles Sautereau* doit créer le maquis n° 2 avec André Genêt*, et que Jacques Tissu, Jean-Paul Allard, Henri Chapotin et Jean Carré entrent ensemble au maquis n° 4.
- Au sein de sa nouvelle unité, installée dans la région de Saint-Sauveur, Étais-la-Sauvin, Treigny et de Coulanges-sur-Yonne, le jeune maquisard est chargé des opérations militaires. Le 6 VI 1944, il reçoit donc l'ordre d'aller dans le Tonnerrois à la tête d'un commando, afin d'y perturber le trafic ferroviaire sur la ligne du P.L.M. utilisée par les troupes ennemies. Sa mission est de détruire le tunnel de Lézinnes, mais, comme cet objectif est trop bien protégé par les Allemands, il préfère agir différemment en faisant sauter la voie ferrée à plusieurs reprises les 7, 8 et 9 juin, ceci entre Argenteuil et Ancy-le-Franc, ce qui a pour effet d'immobiliser pendant deux jours un train militaire, puis d'interdire la voie pendant une semaine. Du 28 au 30 juin, il participe ensuite à la récupération clandestine de divers parachutages d'armes et d'explosifs, qui sont destinés aux autres maquis de son organisation.
- Le 3 VII 1944, il prend part au combat du Bois-Blanc à Andryes. Après cet engagement acharné, au cours duquel les Allemands, venus en grand nombre, à découvert, ont laissé 52 morts sur le terrain, face à tous les hommes du maquis n° 3 retranchés en bordure de forêt, il finit par se replier avec les autres maquisards sur la forêt de Frétoy à Mailly-le-Château, où il est accueilli avec toute son unité au hameau des Champs-Gras, ceci par le maquis relevant de l'O.R.A.* (Organisation de résistance dans l'armée). Très vite, il mène de nouvelles opérations de commando dans la région, avec une poignée d'hommes. Accroché le 12 VII 1944 à Courson-les-Carrières, il attaque, le 17 du même mois, un convoi ennemi sur la route de Courson à Coulanges-sur-Yonne, détruisant un camion militaire. Le lendemain, 18 VII 1944, il sabote la voie ferrée allant de Cosne à Clamecy dans la Nièvre, immobilisant ainsi cinq trains de matériel pendant plusieurs jours. Le 24, il coupe enfin tout le trafic ferroviaire de la ligne, en faisant sauter le pont de chemin de fer d'Étais-la-Sauvin.
- Au mois d'août, il participe au combat de la ferme Réby sur la commune de Treigny (9 VIII 1944). Il permet ainsi au nouveau chef de l'Organisation National Maquis dans l'Yonne, Bernard Cunin*, succédant à Olivier Ancel qui vient d'être arrêté (10 VII 1944), d'échapper de justesse à une manœuvre d'encerclement ourdie par les Allemands. Peu après, il libère les communes de Lainsecq, Sougères, Étais-la-Sauvin, Sainpuits et Perreuse (13 VIII 1944), et détruit deux camions ennemis deux jours plus tard. Dès le 23 VIII 1944, il marche avec ses hommes sur Auxerre, en passant par Pourrain et Lindry. Au sein du maquis n° 3, qui rassemble à présent jusqu'à 220 combattants, il prend part alors, en coopération avec tous les autres maquis de l'Yonne, à la libération du chef-lieu (24 VIII 1944).
- Il poursuit la lutte comme soldat, avec son maquis qui devient la 4e compagnie du 4e régiment d'infanterie. Il se rend ainsi en Allemagne, en passant par Pontarlier. Il est ensuite envoyé à l'école militaire d'Aix-en-Provence, où il reste huit mois et obtient le grade de lieutenant d'active. Il ne retourne à la vie civile qu'en 1949.
- Il devient alors vice-président de la chambre des métiers de l'Yonne (1971-1978) et maire de Leugny (1971-1983). Jusqu'en 1979, il siège aussi comme président du comité de développement de la Puisaye. En l'an 2000, il demeure toujours dans l'Yonne, tout près d'Auxerre. Il a un bureau à Paris, où il préside le Centre d'études et d'applications sociales de l'automobile : il participe de cette façon à la gestion des caisses de retraite de la profession.
- Après la guerre, sous le nom de « capitaine Raymond », il a publié dans L'Yonne Libre (1944-1949) un article qui rappelle l'histoire de son unité, intitulé Le maquis 3, dédié à ses compagnons de combat. Il y exhorte ceux-ci à s'unir au sein de l'Association nationale des anciens FTP-FFI, sans distinction d'origine ou de parti, afin de lutter contre ceux qui cherchent à discréditer la Résistance dans le but de justifier leur propre inaction, voire une action opposée aux intérêts mêmes du pays. Il incite aussi ses camarades du maquis à démasquer les faux héros, lesquels sont déjà en manœuvre pour tenter de s'accaparer la mémoire et les exploits des maquisards morts pour la France.
- Il est aussi l'auteur d'un bref mémoire sur la Résistance, resté malheureusement confidentiel, dans lequel il insiste sur le fait que la vie d'un maquis ne se réduisait pas à des affrontements directs avec l'ennemi, avec des mitraillettes et des bazookas. Il fallait organiser également des actions pour alimenter, habiller, équiper et armer les maquisards, récupérer, transporter et entreposer les armes et explosifs que les Anglais parachutaient, repérer et éliminer tous les agents au service de la Gestapo. Toutes ces actions, fort nécessaires mais non spectaculaires, comportaient de gros risques à cause de tous les déplacements sur route qu'elles entraînaient, dans un secteur quadrillé par les patrouilles allemandes bien armées et très aguerries.
x (Auxerre, 5 XI 1946) Odette Cochard, d'où une fille : Patricia, ° 7 XI 1954.
Pierre Le Clercq
[DP ; Bernard Charles Sautereau ; Bailly : 333, 390, 391, 393, 407, 414, 422 ; YR ; article de Raymond Thomasset dans le journal L'Yonne Libre]