SAUTEREAU Bernard Charles, dit « Max ».

° Saint-Fargeau, 18 III 1925 ; + Espagne, 18 VI 2011.

- f. de Roger, instituteur, & Alice Garnault, couturière.

- Il s'installe à Auxerre avec ses parents en 1928, lorsque son père devient instituteur à l'école du Pont. Il fréquente le lycée Jacques-Amyot à partir de la classe de 6e. Quand les Allemands viennent occuper la ville, le 15 VI 1940, il est toujours lycéen, âgé de tout juste 15 ans.

- Dès juillet 1940, ayant appris de Roger Le Clercq, son camarade de classe, qu'un général a décidé de poursuivre le combat à Londres contre l'envahisseur, il dissimule une carabine à l'école du Pont. À 18 ans, il devient réfractaire au service du travail obligatoire (S.T.O.). Il entre aussitôt dans le Mouvement Résistance à Auxerre, où il prend le pseudonyme de « Max ». Il y retrouve trois étudiants du lycée Jacques-Amyot, qui ont fondé dans l'établissement scolaire un groupe de résistance nommé La jeune garde de l'empire français, à savoir : Jean-Paul Allard et Jean Carré, ainsi que Raymond Thomasset*.

- Au sein du Mouvement Résistance, il se voit chargé du service des renseignements, avec Jean-Paul Allard, tandis que Raymond Thomasset* dirige le service action et que Jean Carré s'occupe des faux papiers destinés aux jeunes réfractaires. Sa mission consiste à créer et maintenir des contacts avec les autres réseaux de résistance. Il réussit à nouer des liens, tout d'abord, avec le réseau Libé-Nord à Auxerre, où il rencontre René Aubin* et Robert Gaillard. Il obtient bientôt de ce dernier, au cours de l'hiver 1943, une mitraillette anglaise Sten, qu'il cache précieusement à l'école du Pont avec sa carabine. Pendant les vacances de Pâques, il profite ensuite d'un séjour en famille à Egleny pour entrer en rapport avec les résistants des environs. Il organise aussitôt en secret, à Egleny, Beauvoir et Lindry, plusieurs démonstrations de maniement d'arme à l'aide de sa mitraillette, ceci en collaboration avec Roland Baillet à Egleny, et Jean Vallon et Jean Hournon à Lindry, qui ont regroupé les réfractaires de la région. Pendant l'été 1943, enfin, il prend contact avec le réseau Jean-Marie, au sein duquel il rencontre à Aillant-sur-Tholon Pierre Argout*, Jean Guyet, Louis Tosoni et Alain de La Roussilhe*.      

- Après la série d'arrestations qui meurtrit et désorganise le Mouvement Résistance au second semestre de 1943, à Paris comme dans l'Yonne, il figure parmi les rescapés de son groupe à Auxerre, avec Jean-Paul Allard, Jean Carré et Raymond Thomasset*, Henri Chapotin, Guy Foucher, Michel Jeandot, Charles Séguin et Jacques Tissu, et avec Bernard Etienne Sautereau, son quasi homonyme. Etant en quête d'une nouvelle structure, il entre le 1er X 1943 à la Mutualité agricole et sociale de l'Yonne, située au 20 boulevard Davout à Auxerre, engagé par Henri Cuinat, le directeur, appartenant au Mouvement Résistance sous le pseudonyme de « Hector ». Sous les ordres de celui-ci, il participe aussitôt à la propagande incitant les jeunes gens à refuser de partir travailler outre-Rhin. Aux réfractaires, il fournit du ravitaillement et de faux papiers, fabriqués à Auxerre, à l'Imprimerie Universelle, par les typographes Marcel Hahn* et Gaston Guillon, tous deux membres du réseau communiste du Front National. Il recrute et forme également de jeunes résistants. Ce faisant, il fait souvent preuve d'audace : c'est dans une propriété bourgeoise en partie réquisitionnée par la Kriegsmarine, en l'avenue de la Tournelle à Auxerre, qu'il fait prêter serment à l'une de ses recrues, son camarade Roger Le Clercq, ceci au début de l'an 1944, devant deux témoins : Henri Chapotin et un autre observateur (probablement Marcel Sudan).

- Le 12 II 1944, il fait connaissance de Gisèle Caillat, sa future conjointe, fille du receveur des postes de Tannerre, qui est entrée elle aussi dans la résistance.

- Le 1 III 1944, s'étant assuré la complicité du secrétaire de mairie, l'instituteur Fourchotte, il dirige une attaque à mains armées contre la mairie d'Egleny, avec deux jeunes réfractaires : les deux frères jumeaux Raymond et Emile Guillaumeau. Il s'y empare avec eux de tout un paquet de cartes d'alimentation, pour ravitailler tous les réfractaires cachés dans les environs. Puis, le 10 III 1944, avec Pierre Bénard, Michel Paillet et Gisèle Caillat, il distribue dans les rues d'Auxerre des tracts qui dénoncent la conférence que veut donner, au Grand Casino, Jean-Hérold Paquis, venu expliquer les prétendus bienfaits de la collaboration avec l'ennemi. Pierre Bénard et Michel Paillet, tous deux pris en flagrant délit, sont aussitôt arrêtés et emprisonnés par la police française. Il est lui-même interpellé un jour plus tard, ceci par deux inspecteurs des Renseignements généraux passés le prendre sur son lieu de travail, au 20 boulevard Davout. Emmené à la préfecture afin d'y subir un interrogatoire, il finit cependant par être relaxé le jour même, 11 III 1944, avec ses deux compagnons incarcérés la veille. Se sentant repéré en ville, il quitte alors Auxerre et passe à la clandestinité, en pleine campagne.

- Le 9 IV 1944, il assiste à une réunion secrète à Toucy, dans la lingerie de l'Hôtel de la Ville d'Auxerre. Pendant cette rencontre, présidée par Marcel Choupot* (mandaté par l'état-major de l'Organisation National Maquis pour créer des unités de maquisards dans l'Yonne et unifier les mouvements de résistance du département), une nouvelle mission lui est confiée : il est choisi pour seconder André Genêt*, et doit fonder avec lui un maquis dans un secteur comprenant la vallée d'Aillant et une partie du nord de la Puisaye, dit le secteur n° 2. Pour remplir sa tâche, il doit trouver avec son chef un site très isolé et des positions de repli, résoudre avec lui tous les problèmes d'habillement, d'hébergement et d'approvisionnement des maquisards, et constituer un groupe extérieur de sédentaires soutenant le maquis. L'armement étant le point essentiel, nécessaire à toute unité de combat, il doit surtout attendre qu'armes et explosifs soient parachutés par les Anglais, et que le tout soit distribué par le réseau Jean-Marie à tous les réseaux de résistance de la région. Dès que l'occasion se présente, dans la nuit du 27 au 28 V 1944, il participe activement à la récupération de quinze containers abritant deux tonnes de matériel, largués par les Anglais non loin de Chassy. Parmi tous les volontaires œuvrant cette nuit-là, il côtoie Georges Viel et Georges Manoury*.    

- Le 3 VI 1944, avec André Genêt*, il peut enfin créer le maquis de Beaurin à Saint-Aubin-Châteauneuf, ceci dans le secteur n° 2 qui leur a été attribué deux mois plus tôt, près de la ferme de la famille Couillault qui accueille des réfractaires. Le jour même du débarquement des alliés en Normandie, le 6 VI 1944, le maquis de Beaurin ne réunit encore que huit maquisards autour d'André Genêt* et de Bernard Sautereau, à savoir : Roland Baillet, Guy Dezier, Raymond Ducornet, André Guyard, Raymond Perreau et Marcel Sudan, ainsi que les frères Guillaumeau (Emile et Raymond). Deux mois plus tard, à la veille de la victoire finale, l'effectif sera de quelque 200 hommes.

- Pour l'heure, toutefois, le maquis de Beaurin ne dispose encore que d'une seule mitraillette, pour dix maquisards. Pour armer ses compagnons, Bernard Sautereau se rend à Sommecaise le 8 VI 1944, et y commande du matériel de guerre à Roger Bardet*, membre de l'état-major parisien du réseau Jean-Marie. Le 10 VI 1944, jour prévu pour la livraison, il retourne au même lieu au volant d'une voiture de service de la Mutualité agricole et sociale de l'Yonne, cette fois-ci avec le lieutenant André Genêt* et le sergent Marcel Sudan. Il s'y fait arrêter avec ses deux passagers par les Allemands, qui recherchent fébrilement les armes parachutées à Chassy dans la nuit du 27 au 28 V 1944. Les trois maquisards sont aussitôt conduits au siège de la Gestapo à Auxerre, puis écroués à la prison allemande de la ville. Faute de preuves, ayant été arrêtés sans armes et avec des papiers en règle, André Genêt* et Marcel Sudan sont libérés un mois plus tard, le 10 VII 1944. Le maquis de Beaurin, en leur absence, est passé le 14 VI 1944 sous les ordres du capitaine Guy de Kergommeaux*, devenant le maquis de Merry-Vaux* en changeant de site.    

- Bernard Sautereau reste quant à lui en prison. Il a réussi à détourner tous les soupçons sur lui en affirmant ne pas connaître André Genêt* et Marcel Sudan, qu'il aurait pris dans sa voiture en cours de route, et en prétendant être le seul propriétaire des boussoles et cartes d'état-major que les Allemands ont trouvées dans sa voiture. Déjà arrêté le 11 III 1944, et réfractaire au S.T.O., il ne parvient pas à s'innocenter tout à fait. Il peut toutefois recevoir la visite de sa mère et de Gisèle Caillat au parloir de sa prison, le 14 VII 1944. Trois jours plus tard, de sa cellule, il assiste à l'incarcération de Marcel Choupot*. Il permet à celui-ci de faire sortir en cachette, hors de l'enceinte carcérale, un message rédigé le 21 VII 1944, profitant pour cela d'une autre visite au parloir de Gisèle Caillat.

- Le 31 VII 1944, sous la surveillance de miliciens russes de la légion Vlassov, il est emmené jusqu'à Dijon par les Cars de Bourgogne, puis déporté en Autriche où il entre au camp de prisonniers de Saint-Valentin le 5 VIII 1944. Condamné à travailler dans une usine montant des chars d'assaut pour les Allemands, il dépérit rapidement, et ne pèse bientôt plus que 50 kg pour 1 m 82. Il est transféré ensuite à Moosbirbaum près de Vienne, le 6 IX 1944, où on l'enferme dans un camp de prisonniers procurant de la main-d'œuvre servile à la Donau Chemie Werk, raffinerie de pétrole synthétique destiné aux chars. Sur place, il se voit affecté au dénombrement de boulons, tâche qu'il met une éternité à accomplir, préférant passer tout son temps de travail à jouer aux cartes. Le 11 XII 1944, il échappe à la mort de justesse, lors d'un bombardement de l'usine et du camp par des avions américains : une bombe éclate à 15 mètres de la tranchée où il a pu se réfugier.

- Libéré par les Russes le 5 IV 1945, il rentre à Auxerre, où Henri Cuinat, son ancien patron, devenu président du Comité départemental de libération de l'Yonne, a signé un certificat daté du 10 IX 1944, qui résume les états de service du jeune déporté dans la Résistance. Rescapé des camps de travail d'Autriche, Bernard Sautereau reçoit la visite, le 21 IX 1945, d'Edouard Choupot, père de Marcel Choupot*, venu à Auxerre pour connaître et remercier de vive voix tous ceux « qui ont été bons » pour son fils, tué par la Gestapo le 21 VIII 1944, à Daix en Côte-d'Or.

- En 1946, après son mariage, Bernard Sautereau quitte Auxerre pour créer un bureau de la Mutualité agricole à Toucy, couvrant toute la Puisaye. Il ne revient à Auxerre qu'en 1959, associé dans le portefeuille d'assurances des Urbaines à Germain Parquin (1896-1964). En 1962, âgé de 37 ans, il se fixe à Orange, où il achète le portefeuille de la compagnie d'assurances L'Aigle. Il prend sa retraite en 1986, après son divorce, et part s'installer en Espagne avec son amie Joséphine Brès, née Palao. En l'an 2000, il vit toujours avec elle de l'autre côté des Pyrénées.

x (Auxerre, 3 XI 1945) Gisèle Caillat, qui a été agent de liaison de Marcel Choupot* (1944), et qui s'est ensuite engagée dans l'armée, ceci au 2e bureau de la 4e division marocaine de montagne (1944-1945), décorée de la croix de guerre et de la médaille de la résistance [divorcés par jugement du 29 IV 1981]. D'où trois filles :

          1) Danièle (° 1 VII 1947)

          2) Elisabeth (° 30 IV 1953)

          3) Pascale (° 11 IV 1961).

= Auteur de courts témoignages personnels portant sur la Résistance et la déportation (AD Yonne, sous-série 2 F) : Papy raconte... - 10 juin 1944 : mon jour le plus long - L'arbre cachait la forêt - Un ami dans la Waffen S.S. - Gloire et fin d'une méthode comptable (en déportation) - Les petits cadeaux entretiennent l'amitié.

 

Pierre Le Clercq

[DP]