SAINT-MARS Bénigne DAUVERGNE de

° 1626 ; † 1708.

- Fils de Louis Dauvergne, écuyer, dit de Saint-Mars, et de Marie Garrot de Blainvilliers.

- Orphelin, il est élevé par son oncle maternel Zachée de Biot, seigneur de Blainvilliers. En 1638, à l'âge de 12 ans, il entre comme enfant de troupe dans la 1ère compagnie de mousquetaires, où il devient mousquetaire en 1650, puis brigadier en 1660 et maréchal des logis en 1661.

- Il entre dans l'histoire de France après la fête donnée en l'honneur de Louis XIV par Nicolas Fouquet, au château de Vaux-le-Vicomte (17 VIII 1661). Dès le 5 IX 1661, en effet, sous les ordres du capitaine d'Artagnan, il participe à l'arrestation, à Nantes, du surintendant Fouquet et de son premier commis, l'écrivain Paul Pellisson. Après un court séjour à Angers, les deux prisonniers sont conduits sous bonne escorte à Paris : Fouquet est enfermé dans le donjon du château de Vincennes, et Pellisson à la Bastille.

- En 1664, alors que le procès de Fouquet est presque fini, Saint-Mars est nommé gouverneur de la prison d'État de Pignerol, dans le Piémont. À ce titre, il ne commande que le donjon de la citadelle, à la tête d'une compagnie franche de 66 hommes. Le reste de la forteresse est placé sous le commandement d'un gouverneur particulier ayant le grade de lieutenant général, le marquis de Pienne, qui dirige une garnison de 600 hommes d'élite, chargée de surveiller la frontière entre la France et le duché de Savoie.

- Le 21 XII 1664, Fouquet est condamné par ses juges au bannissement, peine que le roi s'empresse de commuer en détention perpétuelle. L'ancien surintendant des Finances est alors conduit dès le lendemain, par d'Artagnan, jusqu'à Pignerol, où il est enfermé en janvier 1665 dans le donjon de la citadelle. Le capitaine Saint-Mars, devenu le geôlier d'un homme illustre, est secondé par le major Rosarges et par un porte-clefs nommé Antoine Rû, tous deux déjà en poste avant sa prise de fonction. Il ne tarde pas, toutefois, à s'entourer aussi de plusieurs membres de sa famille : son cousin Blainvilliers, qui devient son premier lieutenant, puis ses neveux Guillaume et Louis de Formanoir, qu'il engage comme cadets dans sa compagnie franche.

- Le 19 VII 1669, le marquis de Louvois, ministre de la Guerre, lui écrit pour lui annoncer l'arrivée imminente d'un prisonnier à mettre au secret le plus absolu, qui n'est qu'un simple valet mais dont personne ne doit voir le visage et connaître le nom véritable. Cette nouvelle lui est d'ailleurs confirmée dès le 26 VII 1669 par Louis XIV en personne, lequel signe le même jour, à Saint-Germain-en-Laye, une lettre de cachet à l'encontre du mystérieux personnage, qui est ainsi condamné sans avoir été jugé. L'infortuné valet que Saint-Mars doit isoler à jamais, dans un cachot muni de trois portes successives, est celui que Voltaire rendra célèbre sous le nom de l'homme au masque de fer, bien que cet homme ait toujours porté, en fait, un masque de velours noir. Arrêté depuis peu, à Calais, sous la fausse identité du valet Martin, le prisonnier sans visage serait le principal acolyte d'un conspirateur huguenot originaire du Languedoc, Roux de Marcilly, qui a été roué vif à Paris le 21 VI 1669. Pour une raison obscure, le valet énigmatique n'a pas subi le même sort : conduit à Pignerol par un major de Dunkerque nommé de Vauroy, il est incarcéré dès le 24 VIII 1669 dans le donjon gardé par Saint-Mars, ceci sous le faux nom d'Eustache Dauger.

- Cette nouvelle identité a été empruntée par Louvois à un homme que le roi connaît depuis son enfance : Eustache d'Oger de Cavoye, fils de l'ancienne dame d'honneur de la reine Anne d'Autriche, à savoir Marie Delort de Sérignan. Devenu lieutenant aux gardes françaises, cet officier aux mœurs dissolues a été chassé de l'armée, dépouillé de son droit d'aînesse par son frère Louis, qui n'a pas hésité à le faire enfermer à la prison de Saint-Lazare, à Paris, par une lettre de cachet établie par le roi en 1668.

- L'arrivée du faux Eustache Dauger à Pignerol, présenté comme un simple valet mais devant bénéficier, derrière les trois portes de son cachot, des égards dus à un prince, n'a pas arrangé les rapports, déjà difficiles, entre Saint-Mars, gouverneur du donjon, et le marquis de Pienne, gouverneur de la citadelle. Ce dernier, qui a reçu l'ordre du roi, signé le 26 VII 1669, de mettre son régiment à la disposition de Saint-Mars, refuse de soumettre ses troupes à un simple maréchal des logis faisant office de capitaine, et réclame au contraire le commandement suprême de la compagnie franche gardant la prison d'État à l'intérieur de la citadelle. La réponse de Louvois est cinglante, voire très humiliante pour un lieutenant général : «Monsieur de Saint-Mars est maître absolu dans son donjon». Ce rappel à l'ordre, qui confirme que la compagnie franche du donjon de Pignerol est placée sous la seule autorité de son capitaine, qui n'a de compte à rendre qu'au roi et à son ministre, entraînera la démission du marquis de Pienne, aussitôt remplacé par un gouverneur militaire plus conciliant.

- Les gros travaux entrepris pour aménager le cachot du faux Eustache Dauger, tenu au secret, n'ont pas manqué d'intriguer tout le monde. Le 12 IV 1670, Saint-Mars écrit au ministre de la Guerre : « Il y a des personnes qui sont quelquefois si curieuses de me demander des nouvelles de mon prisonnier, ou le sujet pourquoi je fais faire tant de retranchements pour sa sûreté, que je suis obligé de leur dire des contes jaunes pour me moquer d'eux ». Dès la fin des travaux, dans une lettre envoyée le 9 VII 1670, Louvois annonce donc son arrivée imminente à monsieur de Saint-Jacques, le nouveau gouverneur de la citadelle de Pignerol. Il arrive sur place dans la soirée du 8 VIII 1670, accompagné de Vauban* et d'un juge d'instruction. Sitôt rentré à Paris, après avoir rencontré Saint-Mars dans son donjon, il ordonne le 27 VIII 1670 de remplacer toute la garnison de la citadelle, ainsi que le nouveau gouverneur. Il ne garde à Pignerol que la compagnie franche attachée à Saint-Mars, qu'il protège par une nouvelle garnison.

- Le 25 XI 1671, un troisième prisonnier est interné dans le donjon de Pignerol : il s'agit du duc de Lauzun, le fiancé de la duchesse de Montpensier*, cousine germaine du roi. Contrairement à Fouquet et à Eustache Dauger, le nouvel arrivé rend aussitôt la vie difficile à Saint-Mars, refusant de manger et de se laver, et laissant éclater sa colère contre ses gardiens. Trois autres prisonniers sont ensuite mis au cachot à Pignerol : un moine jacobin en 1674, un certain Dubreuil en 1676, puis un intrigant italien nommé Ercole Antonio Matthioli, arrêté le 2 V 1679 pour avoir trahi la confiance de Louis XIV et de Louvois.

- Lorsque Matthioli arrive à Pignerol, Fouquet bénéficie depuis peu d'un régime carcéral plus clément : Eustache Dauger lui tient souvent compagnie depuis 1677, comme valet attaché à son service, et le duc de Lauzun peut venir lui rendre visite depuis le début de l'année, par permission royale du 18 I 1679. Saint-Mars doit veiller, cependant, à ce que Lauzun ne rencontre jamais le faux Dauger, lequel ne doit jamais révéler sa véritable identité à Fouquet. En 1679, Fouquet peut même accueillir sa fille à Pignerol, qui est logée près de lui dans un cachot du donjon.

- À la Cour, on pense déjà à une prochaine libération de l'ancien surintendant des Finances. Mais le 23 III 1680, la fille du prisonnier étant rentrée à Paris, Saint-Mars écrit à Louvois pour lui annoncer la mort subite de Fouquet. Dès le 8 IV 1680, le ministre de la Guerre lui répond qu'il faut répandre la nouvelle, à Pignerol, que les nommés Dauger et La Rivière, les deux valets du défunt, ont été libérés, tout en veillant à les transférer dans des oubliettes, dans les caves du donjon. Louvois éloigne ainsi deux témoins gênants, Saint-Mars étant soupçonné d'avoir empoisonné Fouquet sur l'ordre expresse du ministre.

- En 1681, le duc de Lauzun est relaxé. Il peut retrouver la duchesse de Montpensier*, qu'il finit par épouser. Pour isoler les deux témoins de la mort de Fouquet, Saint-Mars est nommé gouverneur du fort d'Exilles, dans le Piémont. Il apprend la nouvelle par une lettre de Louvois datée du 12 V 1681, et reçoit ses lettres de provision le 24 VI 1681. Après avoir fait aménager sur place des cachots, dont l'un est muni de trois portes successives, il revient chercher à Pignerol les deux prisonniers enfermés dans les oubliettes du donjon, puis repart avec eux le 10 X 1681, escorté de sa compagnie franche réduite à 45 hommes. Il ne laisse à Pignerol que trois reclus de moindre importance : le moine jacobin, ainsi que Dubreuil et Matthioli.

- Pendant tout son séjour au fort d'Exilles, Saint-Mars ne sera le geôlier que du valet La Rivière et du prétendu valet Eustache Dauger. Le premier prisonnier, qui n'a jamais été accusé, jugé et condamné, mais qui connaît le secret de la mort de Fouquet, décède au fort d'Exilles le 4 I 1687. Son trépas intervient juste avant un nouveau transfert : le roi, en effet, par son ministre Louvois, accorde le 13 I 1687 à Saint-Mars le gouvernement de la forteresse provençale de Sainte-Marguerite, sur une île de la baie de Cannes. Dès le 17 IV 1687, Saint-Mars quitte donc le fort d'Exilles avec toute sa compagnie, emmenant avec lui le seul prisonnier qui lui reste. Celui-ci est convoyé jusqu'en Provence dans une chaise à porteurs recouverte d'une bâche, portée par huit Italiens ne comprenant pas le français. Arrivé dans sa nouvelle prison le 30 IV 1687, il est aussitôt enfermé dans un cachot de 30 m2, avec vue sur la mer. Ses gardiens lui donnent alors le surnom de La Tour.

- À Sainte-Marguerite, Saint-Mars doit s'occuper d'autres prisonniers : il trouve sur place le chevalier de Chézut et une demi-douzaine de pasteurs protestants. Sa principale mission reste toutefois la garde du faux Eustache Dauger, qu'il autorise à se promener avec lui dans l'île, à condition de porter sur le visage un masque de velours noir. Comme il a besoin de s'entourer d'hommes de confiance, il obtient en 1693 le grade de lieutenant pour son neveu Guillaume de Formanoir, et engage dans sa compagnie franche son troisième neveu, Joseph de Formanoir, qui commence sa carrière militaire comme simple cadet.

- En 1694, Saint-Mars doit accueillir à Sainte-Marguerite les trois prisonniers qu'il avait laissés en 1681 à Pignerol. Si le moine jacobin et le nommé Dubreuil atteignent l'île en bon état, Matthioli décède peu après son arrivée. C'est l'occasion pour Saint-Mars de conférer à son prisonnier masqué une nouvelle identité factice, puisque depuis 1680 le faux Eustache Dauger est officiellement libre : l'homme au masque de velours garde son surnom de La Tour, mais en fait il devient secrètement Matthioli.

- En mai 1698, le geôlier de Sainte-Marguerite est promu au poste de gouverneur de la Bastille, à Paris. Il est âgé de 72 ans, mais accepte ces nouvelles responsabilités qui sont très bien rémunérées. Saint-Mars quitte donc la Provence avec ses vieux compagnons : le porte-clefs Antoine Rû, le major Rosarges, et le lieutenant Guillaume de Formanoir. Il n'emmène avec lui qu'un seul prisonnier, celui qui porte toujours un masque de velours noir.

- En chemin, Saint-Mars s'arrête sur ses terres. Depuis une vingtaine d'années, il possède en effet la seigneurie et le manoir de Palteau, à Armeau (Yonne), dont il a hérité de Cantien Garrot. Il possède aussi une partie de Dixmont. Jusqu'en 1682 environ, ses terres ont été administrées par François Le Breton, seigneur par sa femme de la métairie de Gumery, fief démembré des hautes censives royales de Dixmont. Ses terres ont ensuite été gérées par un certain Marin Berthier, avant d'être confiées à un autre receveur nommé Jean Franjou, exerçant les activités de marchand, drapier, meunier et laboureur, ainsi que de praticien et de greffier à la prévôté royale de Dixmont. Ce dernier, doué d'un sens aigu des affaires, a entrepris de reconstituer au profit de Saint-Mars l'ensemble de l'ancienne châtellenie royale de Dixmont, inféodée au comté de Sens : pour ce faire, il s'est mis à racheter tous les fiefs relevant de cette châtellenie, profitant de l'endettement des petits seigneurs locaux. Il a même entamé un long procès contre la veuve de l'ancien receveur François Le Breton, le 22 XII 1687, puis contre son fils Edme, pour les contraindre à céder le fief du Gumery, déjà hypothéqué.

- En 1698, lorsque Saint-Mars arrive sur ses terres avec son prisonnier, le procès est toujours en cours. Un conflit déchire également les contribuables de Dixmont, opposant les habitants du hameau des Brûleries aux autres habitants de la paroisse. Le 30 IV 1697, en effet, devant le notaire royal Marin Berthier, ancien receveur de Saint-Mars, les membres de la communauté villageoise des Brûleries ont déclaré vouloir constituer leur hameau en circonscription fiscale séparée, indépendante de celle de Dixmont. Ils ont appuyé leur demande sur ce constat : «Le hameau appelé Palteau, dépendant de la paroisse d'Armeau, a été tiré du rôle des tailles dudit Armeau depuis peu de temps, en ça quoi qu'il n'y ait aucune église audit Palteau, sinon une petite chapelle, et que ledit hameau n'est composé que de quarante ou quarante-cinq habitants».

- C'est dans ce hameau devenu autonome, à Armeau, que Saint-Mars a séjourné en se rendant à Paris. Son passage restera longtemps gravé dans la mémoire des villageois. Le petit-neveu du geôlier, Guillaume Louis de Formanoir de Palteau, en témoignera dans une lettre du 19 VI 1768, publiée par Fréron : « En 1698, monsieur de Saint-Mars passa du gouvernement des îles Sainte-Marguerite à celui de la Bastille. En venant en prendre possession, il séjourna avec son prisonnier à sa terre de Palteau. L'Homme au Masque arriva dans une litière qui précédait celle de monsieur de Saint-Mars ; ils étaient accompagnés de plusieurs gens à cheval. Les paysans allèrent au-devant de leur seigneur. Monsieur de Saint-Mars mangea avec son prisonnier, qui avait le dos opposé aux croisées de la salle à manger qui donnent sur la cour. Les paysans que j'ai interrogés ne purent voir s'il mangeait avec son masque ; mais ils observèrent très bien que monsieur de Saint-Mars, qui était à table vis-à-vis de lui, avait deux pistolets à côté de son assiette. Ils n'avaient pour les servir qu'un seul valet de chambre, qui allait chercher les plats qu'on lui apportait dans l'antichambre, fermant soigneusement sur lui la porte de la salle à manger. Lorsque le prisonnier traversait la cour, il avait toujours son masque noir sur le visage ; les paysans remarquèrent qu'on lui voyait les dents et les lèvres, qu'il était grand et avait les cheveux blancs. Monsieur de Saint-Mars coucha dans un lit qu'on lui avait dressé auprès de celui de l'Homme au Masque » [lettre publiée dans l'Année littéraire].

- Le séjour à Palteau du geôlier et du prisonnier n'a duré que deux ou trois jours. Dès le 18 IX 1698, Saint-Mars arrive à Paris, où il enferme aussitôt l'homme au masque de velours noir dans un cachot à la Bastille. Ses nouvelles fonctions, qui ont accru ses revenus et l'ont rapproché de l'Yonne, lui permettent d'agrandir son domaine icaunais. Depuis 1460, la châtellenie de Dixmont qu'il convoite est divisée entre deux seigneurs censiers : le roi de France, qui possède le fief des hautes censives royales de Dixmont, regroupant les trois paroisses de Dixmont, Les Bordes et Villechétive ; et le prieur de Notre-Dame-du-Charnier, à Sens, qui possède la seigneurie d'Armeau au sein de ladite châtellenie. En 1700, Saint-Mars commence par acquérir la totalité de la seigneurie dépendant du prieuré de Sens. Puis, après avoir gagné son procès en 1702 contre Edme Le Breton, qui finit par lui céder la métairie du Gumery, il obtient du roi tout le fief des hautes censives royales de Dixmont, en 1703, en échange de propriétés qu'il possède tout près de Versailles. Il devient ainsi le seigneur censier et justicier de quatre paroisses contiguës, dans l'Yonne, formant ensemble la châtellenie de Dixmont.

- Ce vaste domaine aurait dû revenir en entier à Jacques Bénigne, le dernier fils survivant de Saint-Mars. Mais ce jeune héritier, devenu soldat comme son père, est tué le 15 XI 1703 à la bataille de Spire. Quatre jours plus tard, c'est l'homme au masque de velours noir qui décède à son tour. Mort à la Bastille le 19 XI 1703, après 34 ans de captivité dans quatre prisons différentes, il est inhumé le lendemain dans le cimetière de l'église Saint-Paul, à Paris, ceci sous une fausse identité : celle de l'intrigant italien Matthioli, mort en 1694, dont le nom a été estropié en Marchialy ou bien de Marchiel selon les sources. Dans l'acte de décès, l'âge attribué au défunt n'est que de 45 ans, c'est-à-dire une vingtaine d'années de moins que son âge réel.

- Saint-Mars meurt quant à lui en 1708, à l'âge de 82 ans. Sa longue discrétion au sujet de l'homme masqué lui aura rapporté un titre de noblesse en 1673, une châtellenie en 1703, et une fortune considérable qu'il ne pourra léguer à ses deux fils, tous deux morts avant lui. Ce sont ses trois neveux, Guillaume, Louis et Joseph de Formanoir, qui se partageront tous ses biens.

x (Pignerol, 1669) Marie Antoinette Colot, dont la sœur est la maîtresse de Louvois, et dont le frère, à savoir le sieur Damorezan, est commissaire des guerres. D'où deux fils : 1) Bernard (Ubataille de Neerwinden, 29 VII 1693) ; 2) Jacques Bénigne (Ubataille de Spire, 15XI 1703).

 

La famille de Formanoir

I.

Eloi, beau-frère de Saint-Mars. Devenu mousquetaire au régiment des gardes françaises, il participe aux sièges des villes d'Arras (1654), Landrecies (1655), Condé (1655), Valenciennes (1656), et Montmédy (1657). À la bataille des Dunes (14 VI 1658), il est blessé « à la main droite et au visage, après avoir pris deux drapeaux à l'ennemi ». Il obtient alors le commandement d'une compagnie. Mis à la retraite en 1664, il devient gentilhomme ordinaire de la maison du duc d'Orléans, frère puîné du roi. À la demande du duc, il est anobli en janvier 1667, en récompense de ses faits d'armes (1654-1664).

x (ca.1648) Marguerite Dauvergne de Saint-Mars, fille de Louis, écuyer, & Marie Garrot de Blainvilliers, et sœur du geôlier de Fouquet, Lauzun et du Masque de Fer. D'où :

 

II.

     1. Guillaume. Né en 1649, il s'engage en 1664 comme cadet dans la compagnie franche de son oncle Saint-Mars, à la prison d'État de Pignerol. Il suit son oncle à Exilles en 1681, puis à Sainte-Marguerite en 1687. En 1693, il est promu au rang de lieutenant. Lorsque Saint-Mars est muté à Paris, en 1698, il le suit une fois de plus et devient l'un des administrateurs de la Bastille. À la mort de son oncle, en 1708, il espère le remplacer à la tête de cette prison ; ses espoirs ayant été déçus, il finit par démissionner et se retire dans le manoir icaunais de Palteau, qu'il a hérité de son oncle, décédé sans enfant.

x (ca.1711) N., d'où III.a.

     2. Louis. Comme son frère Guillaume, il devient cadet dans la compagnie franche de son oncle Saint-Mars, alors que celui-ci est encore gouverneur du donjon situé dans la citadelle de Pignerol (1664-1681). Il accompagne ensuite son oncle à Exilles en 1681, puis à Sainte-Marguerite en 1687, mais il ne le suit pas à la Bastille en 1698.  

     3. Joseph, † Montfort-l'Amaury (78), 18 II 1732. Entré lui aussi comme cadet dans la compagnie franche de son oncle Saint-Mars, tandis que celui-ci est gouverneur de la forteresse de Sainte-Marguerite (1687-1698), il reste sur place quand son oncle est muté à Paris, en 1698. En 1714, il obtient le commandement de la forteresse, puis il quitte cette prison insulaire pour devenir capitaine de grenadiers au régiment du Bugey. Ecuyer, chevalier de Saint-Louis, il reprend le nom de sieur de Saint-Mars.

x (ca.1715) Geneviève Raymonde Breget, d'où III.b.

 

III.a.

Guillaume-Louis de Formanoir de Palteau, ° 1712. En 1768, il est membre de l'Académie royale d'agriculture. Dès sa jeunesse (1722-1730), il s'intéresse au Masque de Fer, interrogeant le vieux Blainvilliers qui a servi comme premier lieutenant de Saint-Mars. Plus tard, à Armeau, il questionne également les paysans du hameau de Palteau qui ont vu l'homme masqué dans le manoir de leur maître en 1698. Le 19 VI 1768, dans ce même manoir, il rédige une lettre destinée à Élie Fréron, qui sera publiée dans les colonnes de l'Année littéraire (30 VI 1768). Il y rapporte les témoignages de Blainvilliers et des paysans : il précise que le Masque de Fer portait le surnom de La Tour lors de son séjour à Sainte-Marguerite et à la Bastille, et que ce prisonnier « était blanc de visage, grand et bien fait de son corps, ayant la jambe un peu trop fournie par le bas, et les cheveux blancs, quoi qu'il ne fût que dans la force de l'âge » ; il ajoute qu'il était toujours vêtu de brun, et qu'il n'avait aucun accent étranger.

III.b.

     1. Claude-Joseph de Formanoir de Saint-Mars.

Mousquetaire, chevalier de Saint-Louis. Il prend sa retraite avec le grade de brigadier des armées du roi.

     2. François de Formanoir de Saint-Mars*.

 

Pierre Le Clercq

[Marcel Pagnol : Le secret du Masque de Fer ; Jean-Luc Dauphin : EJ 21 (1977) 23 ; Alain Noël : Trois levrettes de sable au champ d'argent, Encyclopédie généalogique de l'Yonne, Cahier d'études micro-historiques I 11-12, II 21 ; Havard de La Montagne, Études rétiviennes n°9 (1988) 75-90]

 

SAINT-MARS François de FORMANOIR de

° Montfort-l'Amaury (78), 28 III 1716 ; † Paris (75), le 23 pluviôse an III (11 II 1795).

- Fils de Joseph de Formanoir, écuyer, dit de Saint-Mars, et de Geneviève Raymonde Breget.

- À la mort de son père, en 1732, il est page de la duchesse du Maine, au château de Sceaux. En 1733, il s'engage dans le corps royal d'artillerie, comme surnuméraire, puis il est promu au rang d'officier pointeur en 1734. Il participe à la guerre de Succession d'Autriche (1741-1748), puis à la guerre de Sept ans (1756-1763). En tout, de 1741 à 1763, il prend part à douze campagnes militaires, participant à quinze sièges, quatre batailles et sept expéditions. Il se bat contre les Anglais à Fontenoy (11 V 1745), puis devient commissaire ordinaire en 1746, avec rang de capitaine en second. Il est blessé à Berg-op-Zoom en 1747, ainsi qu'à Wolfenbüttel. Décoré en 1748 de la croix de chevalier de Saint-Louis, il est promu au grade de lieutenant-colonel en 1760, puis est nommé colonel du régiment de Strasbourg le 19 II 1766. Il devient ensuite brigadier (1769), maréchal de camp (1 III 1780), et enfin inspecteur général du corps royal d'artillerie (5 IV 1780).

- C'est après cette promotion finale qu'il entre en contact avec Nicolas Rétif* de La Bretonne, dont il a lu plusieurs écrits avec ravissement. Il lui écrit une première lettre dès le printemps 1780, puis, à partir de 1784, l'invite souvent à dîner chez lui, en la rue Saint-Maur à Paris (située en la paroisse Sainte-Marguerite). En 1786, ce vieux célibataire de 70 ans s'éprend de Marianne, la fille cadette de Rétif de La Bretonne, âgée d'à peine 18 ans. Mais il sait garder le sens des réalités, contrairement à Rétif de La Bretonne qui imagine déjà sa fille mariée au maréchal de camp, malgré la différence d'âge et de condition. Le 15 V 1786, en effet, dans le deuxième volume des Parisiennes, le littérateur de l'Yonne écrit à ce propos : « Peut-être paraîtra-t-il contre la convenance d'exciter les hommes riches à épouser une fille pauvre ? Je déclare que je pense tout le contraire ». Dans le texte qui suit cette profession de foi, l'écrivain met alors en scène sa fille cadette, qu'il appelle Marianne de Marnicour, et le vieux soupirant, auquel il donne le nom de chevalier de Saint-Sarmin. Mais le vieux maréchal de camp, dans la réalité, ne donne pas suite à son penchant pour la fille de Rétif de La Bretonne : en 1787, il préfère se marier avec une femme de 36 ans, d'une famille noble, originaire de Molinons dans l'Yonne. Dès lors, il cessera de fréquenter l'écrivain et sa jeune fille.

- À la Révolution, François de Formanoir de Saint-Mars est mis à la retraite. Le 18 VI 1791, le nouveau ministre de la Guerre lui accorde une pension de dix mille francs, qu'il ne touchera pas. Sa femme, après sa mort, sera obligée de demander une aide de l'État à la Restauration.

- Le vieux maréchal de camp a laissé quelques traces dans l'œuvre de Rétif de La Bretonne. Personnage récurrent, il apparaît dans divers textes de l'écrivain, sous les noms de Saint-Sarm et Saint-Sarmin, voire Remier, Quésimars ou bien Marsaint. En 1794, dans Monsieur Nicolas, Rétif de La Bretonne écrira : « Le plus heureux temps de ma vie paternelle a été mon intimité avec le bon chevalier de Saint-Sarm. Il était d'un caractère parfait, aimant, naïf avec grâce, franc, loyal chevalier ». Comme cet officier était aussi l'un des petits-neveux de Bénigne Dauvergne de Saint-Mars*, geôlier du Masque de Fer, l'écrivain icaunais évoquera le cas du prisonnier mystérieux, en 1802, ceci dans Les Posthumes : répétant sans doute ce que lui avait dit le vieux maréchal de camp, il prétendra que l'homme masqué était en fait le frère aîné de Louis XIV, né comme le roi des amours adultérines de la reine Anne d'Autriche avec le cardinal de Mazarin.        

x (c.m. Paris, maître Delamotte, le 20 X 1787) Catherine Elisabeth Félicité de Stavayé*, fille d'André Hippolyte de Stavayé, chevalier, seigneur de Molinons (89), capitaine au régiment Royal-infanterie, et de feue Catherine Caillat ; ° Molinons (89), 9 XII 1750 ; † Paris (75), 28 II 1830.

  

Pierre Le Clercq

[Philippe Havard de La Montagne, Le mariage du chevalier de Saint-Mars : rêve et réalité, Études rétiviennes n°9 (1988) 75-90]