Son Excellence Monsieur Jacques Roy
un ambassadeur canadien doublement bourguignon
par Pierre Le Clercq (S.G.Y.)
Au même titre que les sociétés généalogiques, les associations familiales qui se sont créées un peu partout dans le monde depuis quelques années aiment pratiquer le retour aux sources. C'est ainsi que, du 26 juin au 11 juillet 1998, un séjour sera organisé en France par l'Association des Familles Roy d'Amérique, afin de permettre aux descendants nord-américains des colons français établis au Canada sous l'Ancien Régime, ayant porté le nom de Roy, de découvrir tous les différents lieux de naissance de leurs ancêtres émigrés. Cette association, qui rassemble de nos jours aussi bien des anglophones que des francophones, des sujets canadiens que des citoyens des Etats-Unis, a prévu un périple qui, partant de Lyon, passera par les villes de Beaune et de Joigny, en Bourgogne, les 28 et 29 juin.
Si c'est le vin qui, sans conteste aucun, attire à Beaune nos amis d'outre-Atlantique, c'est surtout un personnage nommé Antoine Roy qui explique l'étape de Joigny. Cet homme, en effet, est l'ancêtre de nombreuses personnes habitant aujourd'hui le Nouveau Monde, de nombreuses gens parmi celles qui se sont regroupées au sein de la susdite Association des Familles Roy d'Amérique.
Entre autres descendants, dont monsieur Jean-Guy Roy, qui est le président de l'association familiale en question, il convient de citer en bonne place celui qui a accepté la qualité suprême, mais également la charge et la responsabilité, de patron d'honneur d'un retour aux sources où la Bourgogne sera la première région visitée. Il s'agit de Son Excellence monsieur Jacques Roy, ambassadeur du Canada en France. En réponse à un courrier que je lui avais adressé à la fin de l'année dernière, le 21 décembre 1997, ce haut diplomate canadien a bien voulu me communiquer sa généalogie ascendante en ligne paternelle, jusqu'au premier colon Antoine Roy, dit Desjardins.
Je me suis aperçu, en lisant le nom des femmes dans le tableau généalogique qui m'a été expédié, que si monsieur Jacques Roy est bien d'origine bourguignonne par son ancêtre Antoine Roy, il l'est également, une seconde fois, par l'une de ses bisaïeules dénommée Ursule Lepage. Puisque la Société généalogique de l'Yonne a décidé de participer à l'accueil, à Joigny, de l'Association des Familles Roy d'Amérique, voici donc le détail de l'ascendance du patron d'honneur qui apporte son soutien au voyage organisé par nos lointains cousins nord-américains, jusqu'à ses deux ancêtres bourguignons.[1]
1. Jacques Roy. Ambassadeur du Canada en France. Fils de 2 et 3.
2. Louis-Olivier Roy. Il est né au Canada le 22 août 1897, à Sainte-Anne-des-Monts, où il est décédé le 3 janvier 1964, âgé de 66 ans. Père de 1 ; fils de 4 et 5, ci-après. Le 12 février 1929, ceci à Grande-Rivière, il avait épousé :
3. Corinne Martel. Née en un lieu qui ne m'a pas été précisé, le 1er septembre 1899. Elle est décédée à Montréal le 6 avril 1988, à l'âge de 88 ans. Mère de 1.
4. Norbert Roy. Né à Cap-Chat le 23 mars 1869, il est mort à Sainte-Anne-des-Monts le 8 avril 1953, à l'âge de 84 ans. Père de 2 ; fils de 8 et 9, ci-après. Le 3 août 1893, à Cap-Chat, il avait épousé :
5. Ernestine Bélanger. Je n'ai eu aucune précision à son sujet, sauf qu'elle était mère de 2.
8. Louis Roy. Né le 19 juin 1831 à Cap-Chat, il est décédé à Sainte-Anne-des-Monts le 19 décembre 1910, âgé de 79 ans. Père de 4 ; fils de 16 et 17, qui suivent dans la première lignée bourguignonne. Le 8 juillet 1851, il avait épousé :
9. Ursule Lepage. Née en la ville de Rimouski, ceci le 28 décembre 1831. Elle est décédée le 2 août 1894 à Sainte-Anne-des-Monts, à l'âge de 62 ans. Mère de 4 ; fille de 18 et 19, qui suivent dans la seconde lignée bourguignonne.
Première lignée bourguignonne
16. Louis Roy. Né à Sainte-Anne-de-la-Pocatière en l'an 1806, il est mort à Cap-Chat le 2 juillet 1898, à l'âge de 92 ans. Père de 8 ; fils de 32 et 33. Le 20 octobre 1830, à Cap-Chat, il avait épousé :
17. Olive Gagnon. Je n'ai pas eu de précisions à son propos, sinon qu'elle était mère de 8.
32. Henri-Marie Roy. Né en 1769 à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, au Canada, il est mort à Cap-Chat le 16 mai 1847, âgé de 78 ans. Père de 16 ; fils de 64 et 65, ci-après. Le 11 juillet 1794, à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, il avait épousé :
33. Marie-Victoire Gagnon. Née et décédée en des lieux et à des dates qui me sont inconnus. Mère de 16, ci-avant.
64. Louis-Etienne Roy. Né audit lieu de Ste-Anne-de-la-Pocatière, le 7 novembre 1731. Il est mort au même endroit le 17 avril 1811, âgé de 79 ans. Il était cultivateur. Père de 32 ; fils de 128 et 129, ci-après. Le 18 août 1760, à Saint-Roch-des-Aulnaies, il avait épousé :
65. Angélique Pelletier. Née le 8 mars 1733, ceci à Saint-Roch-des-Aulnaies, elle est morte à Sainte-Anne-de-la-Pocatière le 17 février 1776, à l'âge de 42 ans. Elle était la mère de 32.
128. Augustin Roy. Né le 5 juin 1701 à Kamouraska, il est mort à Sainte-Anne-de-la-Pocatière le 10 avril 1790, âgé de 88 ans. À la fois laboureur et pêcheur, il était aussi capitaine de la côte, dans la milice de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Il a assuré cette fonction pendant 38 ans, de 1738 à 1776. Au cours de l'invasion du Canada, en 1775 et 1776, par l'armée révolutionnaire des colonies américaines en lutte contre la Grande-Bretagne, il s'est occupé d'organiser la résistance des Canadiens de toute la région de Kamouraska contre les soldats américains, participant même à la bataille de Montmagny, le 26 mars 1776. Fait prisonnier, il a ensuite été destitué de son poste par les autorités militaires du Canada, qui lui reprochaient son âge avancé et son manque de zèle et de fermeté dans la répression des Canadiens qui sympathisaient avec l'ennemi. Père de 64 ; fils de 256 et 257. Le 22 octobre 1725, à Boucherville, il avait épousé :
129. Jeanne Boucher. Née quant à elle à Pointe-de-Lévis, ceci le 10 septembre 1693, elle est décédée à Ste-Anne-de-la-Pocatière le 1er juillet 1749, âgée de 55 ans. Mère de 64, ci-avant.
256. Pierre Roy. Né à Batiscan en 1669, c'est le tout premier membre de la famille Roy issue de Joigny qui soit venu au monde sur le sol canadien. Il est mort à Repentigny le 29 avril 1734, à l'âge de 65 ans. Il a d'abord été tonnelier à Québec et sur l'île d'Orléans, puis il s'est mis à travailler comme laboureur, voire même comme charpentier, à Kamouraska et à Repentigny, ceci jusqu'à la fin de ses jours. Père de 128 ; fils de 512 et 513, ci-après. Le 12 février 1691, à Saint-Pierre sur l'île d'Orléans, près de la ville de Québec, il avait épousé :[2]
257. Marie-Anne Martin. Née le 4 avril 1673 à Saint-Pierre, sur l'île d'Orléans, elle a été baptisée dix jours plus tard à Sainte-Famille, sur la même île. Elle est décédée à Kamouraska le 6 février 1709, à l'âge de 35 ans. Mère de 128.
512. Antoine Roy. Né en France, baptisé le 23 mars 1635 à Joigny, en l'église Saint-Jean, c'est lui qui s'est installé au Canada, en 1665. Il est mort assassiné à Lachine, sur l'île de Montréal, à l'âge de 49 ans, ceci le 10 juillet 1684. Arrivé au Canada comme soldat, après avoir travaillé quelques années à Joigny comme tonnelier, il a repris son ancien métier en 1667, dès sa démobilisation, et s'est installé à Batiscan, près de Trois-Rivières. En 1683, poursuivi par une foule de créanciers, il a abandonné sa femme et son fils Pierre et s'est réfugié, seul, sur l'île de Montréal. C'est là qu'il a été assassiné un an plus tard, surpris dans le lit de sa maîtresse par un époux irascible.[3] Père de 256 ; fils de 1024 et 1025. Le 11 septembre 1668, à Québec, il avait épousé :
513. Marie Major. Née à Touques, en Normandie, le 26 février 1637, elle s'est installée au Canada en 1668, ceci comme fille du roi dotée par Louis XIV pour aller se marier en Nouvelle-France. Abandonnée par son époux en 1683, elle a fini par trouver un asile à l'hôtel-Dieu de Québec, où elle est morte le 8 décembre 1689, à l'âge de 52 ans. Mère de 256.
1024. Olivier Roy. Né en France, il a été baptisé le 2 octobre 1604 en l'église Saint-André de Joigny. Il est mort à Joigny à l'âge de 57 ans, et ses obsèques ont eu lieu en l'église Saint-Jean de la ville, le 6 décembre 1661. Tonnelier. Père de 512 ; fils de 2048 et 2049, qui suivent. En l'an 1626 , ou environ, il avait épousé :
1025. Catherine Baudard. Née et baptisée en dehors de Joigny, à une date que l'on peut situer avant l'an 1604, elle est morte à Joigny, où ses obsèques ont eu lieu le 10 décembre 1659, en l'église Saint-Jean. Mère de 512.
2048. Jean Roy. Il a vécu avec sa famille à Joigny, en la paroisse de Saint-André. Père de 1024. Avant l'an 1604, il avait épousé :
2049. Marie Boucquenier. Née à la fin du XVIème siècle, elle était encore en vie en 1629 et vivait en la ville de Joigny. Mère de 1024.
Seconde lignée bourguignonne
18. Eloi Lepage. Né à Rimouski le 12 août 1796, il est mort le 7 juin 1884 à Sainte-Anne-des-Monts, à l'âge de 87 ans. Cultivateur. Père de 9 ; fils de 36 et 37. Le 29 août 1820, à Rimouski, il avait épousé :
19. Julienne Pineau. Tout ce que je sais d'elle, c'est qu'elle était la mère de 9.
36. Charles Lepage. Né lui aussi à Rimouski, le 16 novembre 1753, il est décédé au même lieu à l'âge de 93 ans, en 1846. Père de 18 ; fils de 72 et 73. Le 9 juillet 1781, à Cap-Saint-Ignace, il avait épousé :
37. Marie-Anne Dion. Tout ce que je sais d'elle, c'est qu'elle était la mère de 18.
72. Pierre Lepage. Né à Rimouski le 27 février 1725, il est décédé au même lieu le 24 novembre 1802, à l'âge de 77 ans. Laboureur. Père de 36 ; fils de 144 et 145, ci-après. Le 14 juillet 1749, à Trois-Pistoles, il avait épousé :
73. Véronique Rioux. Née le 29 mars 1731 à Trois-Pistoles, elle a vécu à Rimouski avec son époux. Mère de 36.
144. Pierre Lepage. Né le 11 août 1687, à Sainte-Anne-de-Beaupré, il est mort à Rimouski le 8 juillet 1754, à l'âge de 66 ans. En 1718, succédant à son défunt père, il est devenu le deuxième seigneur de Rimouski. Père de 72 ; fils de 288 et 289, ci-après. Le 13 juillet 1716, à Château-Richer, il avait épousé :
145. Marie-Anne Trépagny. Née à Château-Richer le 21 décembre 1695. Mère de 72.
288. René Lepage. Né en France, baptisé le 10 avril 1656 à Ouanne, près d'Auxerre, il est décédé le 4 août 1718 à Rimouski, au Canada, à l'âge de 62 ans. Il n'avait que 16 ans quand il est parti au Canada, en 1672, pour y rejoindre son père et son oncle. Il a d'abord vécu sur l'île d'Orléans, près de la ville de Québec, puis, en 1696, il a quitté l'île à jamais, pour aller fonder la seigneurie de Rimouski en aval du fleuve Saint-Laurent. Il est devenu aussi seigneur de Métis, et sieur de Sainte-Claire. En 1711, il a fait élever une chapelle à Rimouski, placée sous le vocable de saint Germain d'Auxerre (c'est donc lui qui est à l'origine du futur diocèse de Rimouski, créé en 1867). Père de 144 ; fils de 576 et 577. Le 10 juin 1686, ceci à Sainte-Anne-de-Beaupré, il avait épousé :
289. Marie-Madeleine Gagnon.
Née à Château-Richer le 28 mars 1671, elle est morte à Rimouski le 31 janvier 1744, à l'âge de 72 ans. Mère de 144.
576. Germain Lepage. Né en l'an 1627, voire avant, il est mort le 26 février 1723 à Rimouski, âgé d'au moins 95 ans (au Canada, sur son acte de décès, il est écrit qu'il était âgé de 101 ans). Il a d'abord vécu en France, à Ouanne, à proximité d'Auxerre, puis il a quitté son foyer en 1661, pour aller s'installer avec son frère au Canada. Après avoir travaillé pendant trois ans chez un particulier, à Québec, il s'est établi en 1664 sur l'île d'Orléans, pour y exploiter une concession de terres dans la seigneurie d'Argentenay. Rejoint par sa femme et son fils René, en 1672, il a vécu avec eux sur l'île d'Orléans jusqu'en 1696. Cette année-là, veuf depuis peu, il s'est installé avec son fils René à Rimouski, où il a vécu jusqu'à son trépas, s'occupant de l'instruction religieuse des enfants (à cause du manque de prêtres). Sur son acte de décès, on peut lire qu'il a mené au Canada «une vie exemplaire, dans une mortification de tous les sens», qu'il était «d'une dévotion angélique», et qu'il était «mort en odeur de suavité, parlant jusqu'à sa dernière heure». Père de 288 ; fils de 1152 et 1153, qui suivent. Avant l'an 1627, en France, sans doute à Ouanne, il avait épousé :
577. Reine Loury. Née en France en 1631, ou environ, elle a fini par quitter Ouanne en 1672, pour aller rejoindre son époux au Canada, accompagnée de son fils René et de Constance Lepage, sa jeune belle-sœur. Elle est décédée entre 1686 et 1696, sans doute sur l'île d'Orléans, près de Québec. Elle a pu assister, en tout cas, aux noces de son fils en 1686. Mère de 288.
1152. Etienne Lepage. Natif d'un autre village que Ouanne, près de la ville d'Auxerre, il était encore en vie en 1648. Il a peut-être quitté la France en 1672, avec sa belle-fille Reine Loury, sa fille Constance et son petit-fils René, pour rejoindre au Canada ses deux fils Louis et Germain, sur l'île d'Orléans. Dans un acte de baptême, établi le 27 février 1673 à Sainte-Famille, on trouve en effet le nom d'un certain Etienne Lepage, à côté des noms de Constance Lepage et de René Lepage. Le premier ancêtre de la famille Lepage serait donc décédé au Canada à un âge fort avancé. Père de 576. Avant l'an 1627, en France, il avait épousé :
1153. Nicole Berthelot. Née sous le règne du roi Henri IV, elle était toujours en vie en 1648. Rien ne laisse supposer qu'elle soit partie elle aussi au Canada, comme son mari et ses enfants. Mère de 576.
Les deux lignées qui viennent d'être présentées montrent que le nouvel ambassadeur du Canada à Paris, Son Excellence monsieur Jacques Roy, est bel et bien issu de la région de Bourgogne, grâce à ses ancêtres Roy et Lepage qui, dès le milieu du XVIIème siècle, ont quitté Joigny et Ouanne, dans l'Yonne, pour aller fouler la vaste étendue du sol canadien. Certes, ni Ouanne ni Joigny, sous l'Ancien Régime, ne dépendaient des Etats de Bourgogne : Joigny relevait de la généralité de Paris, et Ouanne de celle d'Orléans. Mais la notion de Bourgogne et de Bourguignon, à cette époque, dépassait de loin les limites des circonscriptions. Un habitant de Sens, par exemple, se trouvant loin de chez lui, se voyait souvent défini dans les actes dus à la plume des notaires, ou à celle des curés, comme étant originaire de Bourgogne. C'est donc bien un véritable pèlerinage sur la terre de leur ancêtre bourguignon que les descendants d'Antoine Roy, les 28 et 29 juin, viendront accomplir en la ville de Joigny. Et ce sont bien des cousins bourguignons qu'ils voudront y rencontrer. En décidant de participer activement à l'accueil de nos amis canadiens réunis au sein de l'Association des Familles Roy d'Amérique, les cadres de la Société généalogique de l'Yonne ont voulu lancer un pont, au-delà de leur propre département, entre le Canada et la Bourgogne. Ainsi, notre province d'hier, tout comme notre région d'aujourd'hui, seront dûment représentées à Joigny lors du passage, en juin, des familles Roy du Nouveau Monde en quête de leurs racines.
[1] Pour établir cette généalogie, ont été utilisés les renseignements fournis par Son Excellence monsieur Jacques Roy, ainsi que les trois ouvrages suivants :
- Georges Desjardins, Antoine Roy, dit Desjardins, et ses descendants, 1971.
- Jacqueline St-Laurent, Généalogie de la famille Lepage, 1964.
- Louis Lepage, Dictionnaire généa-logique des familles Lepage, 1996.
[2] Dans plusieurs études, il est indiqué par erreur que le mariage a été célébré le 12 juin 1691. L'ouvrage de Georges Desjardins, mentionné ci-avant dans la note 1, rétablit la vérité en fournissant le texte même de l'acte de mariage : on y trouve la date du 12 février 1691.
[3] Dans la lettre qu'il m'a adressée le 14 janvier 1997, Son Excellence monsieur Jacques Roy écrit au sujet de son aïeul occis : «Ce n'est qu'en chuchotant que mes parents parlaient des escapades d'Antoine Roy. Depuis, nous en parlons librement ; ceci nous a permis d'apprendre que plusieurs des tout premiers colons n'étaient pas d'une fidélité à toute épreuve».